Le temps arrive pour les élus de la République, pour les élus locaux, pour les Français de ces territoires où il faudra changer de modèle. La panne sèche budgétaire qui menace le pays à très brefs délais va réduire brutalement la dose disponible de morphine. L’économie de guichet et la commande publique sont à bout de souffle, menacée l’une et l’autre par l’asphyxie des finances publiques.
Le courage politique imposerait de décréter l’état d’urgence économique, de mobiliser les imaginations, de rassembler les grands acteurs du marché, de bâtir un plan de retournement de l’économie des Outremers avec les entrepreneurs, les consommateurs, l’Etat, les Régions…Au lieu de cela le ministre publie une liste de 110 produits moins chers. La question d’avenir n’est pas de baisser les prix des produits de grande consommation, elle est d’augmenter les revenus des consommateurs pour créer de la valeur et non pour en détruire.
Les Français des outremers ne sont pas seuls. Non seulement, ils peuvent compter sur leurs propres élites, mais la communauté économique produit désormais de la pensée pour passer de la situation d’aujourd’hui à celle de demain, pour les générations à venir, dans de vrais pays. Non pas des pays auto proclamés par quelques intellectuels en mal d’aventures exotiques, mais des vrais pays, producteurs de richesses, capables de valoriser leurs talents et leurs productions, en situation de produire des richesses durables et partageables.
Dans Outremer le Mag, nous allons régulièrement revenir sur ces sujets fondamentaux pour l’avenir. Fondamentaux, dans la mesure où il n’existe que deux options : la transformation économique et sociale progressive et sans doute douloureuse ou le chaos et la descente aux enfers. La transition estiment les économistes durera 15 ans. Pour être clair, 15 ans pendant lesquels il faudra payer le prix de l’autonomie économique et du développement durable, 15 ans pour passer du poison de l’assistance à des économies intégrées dans leurs environnements et plus fortes.
Nous y reviendrons, mais à ce stade deux grands chantiers de transition peuvent être ou sont engagés dans plusieurs régions :
-La souveraineté alimentaire. La Réunion où j’ai pu séjourner régulièrement ces dernières années a réalisé l’intégration d’une partie de la production agricole et de la transformation agroalimentaire dans des filières efficaces. Les coopératives et les distributeurs ont passé des accords pour privilégier les produits locaux. La question de la souveraineté alimentaire est complexe. Souveraineté ne veut pas dire qu’on produit tout ce que l’on consomme. Cela signifie qu’on produit de façon préférentielle tout ce qui peut être proposé localement aux consommateurs à un prix acceptable, dans des quantités suffisantes, tout au long de l’année et à un prix qui rémunère justement le producteur. La souveraineté ne se décrète pas en claquant des doigts. C’est une transition longue et parfois pénible. Aux Antilles, où ailleurs, il faudra peut être renoncer à consommer des poulets produits dans le Finistère, des yaourts de Chambourcy dans les Yvelines ou de la choucroute en boite venue de Colmar. Les ultramarins devront privilégier les filières locales, le champ d’à coté, même si sa production est plus chère que celle venue de Paris. Il faudra par exemple se réapproprier les bases de l’alimentation créole. C’est à ce prix qu’on créé de la valeur, des emplois de transformation, c’est à ce prix qu’on passe d’une logique défensive de baisse des prix à une logique offensive d’augmentation des revenus.
-Le logement. Le logement de transition sera nécessairement un logement durable. Le projet réunionnais de ville tropicale durable est en cours d’élaboration. Construire simplement, sans céder aux lobbies du BTP qui entend toujours couler plus de béton, pour développer des filières locales ou régionales d’industrialisation du gros œuvre. Des solutions existent pour produire moins cher, grâce à la standardisation et pour construire plus durable et plus efficace. Le logement individuel ou collectif tropical utilisera les matériaux locaux plus adaptés aux climats des régions concernées.
Les Outremers vont affronter de grands changements. Une fois encore ils pourraient être radicaux. Il faudra vivre sans les transferts de la France et d’une certaine façon, c’est presque une bonne nouvelle. L’Outre-mer a souffert d’un développement insuffisant et mal adapté. Les Français d’Outre-mer qui vivent sur le territoire français en Europe auront un rôle à jouer pour accompagner le changement. Pour les familles restées au pays, ils seront un secours en période de transition.




