Économie

jeudi, 21 mars 2013 04:55

Les outremers sont une chance pour réussir la transition énergétique

www.outremerlemag.fr présente cette semaine des éléments de contexte dans le débat sur la transition énergétique Outremer.

Dans l’imaginaire collectif, les éléments de la nature sont autant de sources d’énergie. Les îles et les territoires français de l’Outre-mer concentrent ces sources potentielles d’énergie dans des conditions uniques. Le ciel, le soleil, la mer, auxquels on pourrait ajouter le vent et les sources bouillonnantes. Et pourtant ces territoires dépendent encore très majoritairement des hydrocarbures. Les départements d’Outre-mer sont énergivores sous la double pression de la croissance démographique et des aspirations au confort.

 

Pétrole, gaz, charbon : l’Outre-mer est totalement captive des énergies fossiles, par nature polluantes et limitées. Dans une ou deux générations, la Guyane pourrait adosser son développement à l’exploitation d’une immense poche sous marine d’hydrocarbure au large de ses cotes. Mais c’est un chantier pour demain et dans tous les cas une source d’énergie hypothétique dans un monde déjà menacé par les émissions de CO2. Faudra t-il encore bruler du pétrole au cœur du poumon de notre humanité ? L’économie, rappelons le, est la science humaine dont l’objet est l’utilisation efficace de ressources rares. Il faudra donc aller au delà du pétrole. A la Réunion, où le mur du million d’individus sera franchi dans quelques années (sans doute autour de 2025), la croissance de la consommation énergétique est trois fois supérieure à celle de la France continentale. A Mayotte, l’afflux d’argent frais qui accompagne la départementalisation va faire exploser la consommation d’énergies non renouvelables. Aux Antilles, la progression est de l’ordre de 5% par an.
Les départements français d’Outre-mer nous invitent tous à une réflexion économique et écologique. Partons du constat.

a) Totalement dépourvus de moyens de transports collectifs efficaces, ces territoires et ceux qui y vivent sont en situation de dépendance quasi absolue des moyens de transport individuels. Nous l’avions déjà écrit sur ce site, à la Réunion où les distances sont plus grandes, des familles qui vivent à 35 kilomètres de leur lieu de travail (à Saint Denis) dépensent un tiers de ce qu’ils gagnent pour se déplacer. C’est inacceptable dans des territoires où le revenu par tête est faible. Dans ce domaine, rien ne laisse espérer un changement radical à bref délai. La voiture restera le moyen de transport le plus utilisé pour longtemps.
b) La construction de réseaux de transports collectifs exige de très forts investissements. Or, la situation actuelle des finances publiques limite les capacités d’engagements des collectivités et de l’Etat dans ce sens. C’est une raison de plus pour concentrer tous nos efforts sur le mix énergétique hors transport automobile. Cette idée des bouquets d’énergies complémentaires s’est progressivement imposée dans les débats. Les territoires des trois océans peuvent très majoritairement compter sur la houle marine, le vent et le soleil. Certains d’entre eux peuvent aussi s’appuyer sur l’énergie qui remonte du sous sol. La géothermie, à Bouillante en Guadeloupe. Cependant, la mise en œuvre de ces bouquets énergétiques rencontre encore des obstacles techniques importants qu’il faut vaincre : en l’état actuel des savoirs, l’électricité produite ne se stocke pas. Pour dire les choses plus simplement, il faut pouvoir produire de l’électricité en temps réel, au moment où les consommateurs en ont besoin. Le vent qui a soufflé le matin, ou le soleil qui a brillé tout au long de la journée sont le carburant d’une électricité qu'on peut avoir à consommer plus tard dans la soirée. Or, dans le domaine de l’énergie, c’est la demande qui donne le signal prix (il faut pouvoir payer le prix de la pointe de production à son cout réel, c’est à dire actuellement en pétrole). Les énergies renouvelables ne sont donc pas encore parfaitement solubles dans nos habitudes de consommation. La transition d’une société tout pétrole vers une société plus frugale en énergies fossiles sera longue. Elle est toutefois indispensable.

c) L’indépendance énergétique n’a pas de prix. C’est même un attribut de la souveraineté économique. Le modèle d’une société de consommation bâtie sur un pétrole disponible et peu cher a définitivement vécu. La réflexion sur les bouquets énergétiques engage aussi la politique en matière de logement, en matière d’aménagement du territoire. Mais on ne pourra pas tout faire en un jour. Pourtant, les régions d’Outre-mer disposent d’avantages comparatifs naturels précieux.  Ces régions sont ensoleillées, ventées et souvent volcaniques. Les laboratoires des énergies de demain sont là, sur ces îles et sur ces cotés où la nature produit elle même une énergie propre et aussi éternelle que l’est notre monde. Puisse le gouvernement s’en apercevoir !

d) Dans ce contexte quel peut être le rôle de l’Etat ? La première exigence dans ce domaine est celle de la continuité. Rien de pire que le « stop dans go ». Le cas de la filière photovoltaïque à la Réunion (comme ailleurs) donne une indication claire de ce qu’il ne faut pas faire. En changeant de politique en cours de route, en réduisant les avantages fiscaux votés quelques mois plus tôt, l’ancienne mandature avait provoqué une crise économique et sociale dans la filière locale. Les questions énergétiques font appel aux logiques de filières et elles doivent être considérées comme des politiques de long terme. Réfléchir d’abord, agir ensuite. Pardon d’être aussi cru, mais la logique élémentaire des choses n’est pas toujours respectée.  Dans ce domaine, très émotionnel, très investi par les Verts et souvent maladroitement traité, à droite comme à gauche, on a plutôt tendance à être réactif.  Sortir de l’émotion pour entrer dans la gestion. Voilà sans doute la première exigence d’une nouvelle politique de l’énergie. Les départements d’Outre-mer sont des laboratoires grandeur nature. Ne laissons pas passer notre chance.

Pascal Perri
Professeur d’économie, auteur de « EDF les dessous du scandale»,  Editions Jean Claude Lattés 2009.

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