Société

jeudi, 02 mai 2013 06:57

Témoignage émouvant de la petite nièce de Félix Eboué

En ce jour du 23 avril 2013 de la Saint Georges, le protecteur du Royaume Uni, à 17h sur l’avenue des Champs Elysées, j’ai assisté à une commémoration  organisée par la Royal British Légion et la fondation Charles de Gaulle pour  la mémoire du Général de Gaulle et du 1er ministre Churchill devant leurs statues respectives. A travers les anecdotes de quelques anciens combattants, à leurs yeux, Félix Eboué avait « sauvé le Général de Gaulle », en étant le premier résistant à avoir répondu à l’appel du 18 juin 1940, et en lui ayant apporté tout un territoire de l’AEF (Afrique Equatoriale Française).

Moi Isabelle Gratien, en tant que petite nièce de Félix Eboué, dont la sœur Cornélie Eboué était ma grand-mère (celle-ci mariée à mon grand père Félix Gratien ayant eu 5 enfants dont mon père Yves Gratien, décédé depuis 2006 et qui fut le neveu et filleul de Félix Eboué), j’étais fière de mon grand oncle, fière de savoir qu’il restait toujours dans la mémoire de ces anciens combattants.

Je me suis souvenue des anecdotes racontées par mon père qui en tant qu’administrateur colonial  en Oubangui-Chari (de 1909 à 1931) avait appris les dialectes des Africains. D’ailleurs, il était très respectueux des traditions Africaines et souhaitait au plus profond de lui l’émancipation de l’Afrique.



Mon père me racontait aussi comment en tant que gouverneur par intérim de la Martinique vers 1933-1934, il eut à organiser le bal du gouverneur. A l’époque, il y avait un bal pour les blancs, un bal pour les métisses et un bal pour les noirs. Eboué en tant que Guyanais noir 100 %  ne pouvait aller uniquement dans le bal des noirs car c’était lui le gouverneur noir qui organisait ce bal. Il fallait donc trancher. Il décida donc qu’il y aurait un seul bal rassemblant les blancs, les métisses et les noirs sinon « pas de bal du tout » ! On put donc assister pour la première fois en Martinique un  bal réunissant les blancs, les métisses et les noirs qui dansaient ensemble. Ce fut un grand succès ! Félix Eboué avait réussi à rassembler pour cette fête les blancs et les noirs créoles ensemble. On en garda un vif souvenir !



Il y avait aussi ce texte, « Jouer le jeu »,  que mon père connaissait par cœur. Ce discours prononcé par Félix Eboué en tant que gouverneur de la Guadeloupe en juillet 1937, à l’occasion de la distribution des prix du lycée Carnot à Pointe-à-Pitre. En lisant ce texte, je me suis rendue compte qu’il avait su jouer le jeu tout au long de sa carrière « jouer le jeu, c’est être désintéressé (…) jouer le jeu c’est réaliser ce sentiment de l’indépendance (…) Jouer le jeu c’est piétiner les préjugés et à apprendre à baser l’échelle des valeurs uniquement sur les intérêts de l’esprit. Et c’est se juger soi et les autres d’après cette gamme de valeurs (…) jouer le jeu, c’est savoir prendre ses responsabilités et assumer les initiatives quand les circonstances veulent que l’on dit seul à les endosser ». En relisant ce discours, je me dis que ce texte est d’actualité et que les politiciens devraient s’en inspirer !

Le fait marquant fut aussi son départ de la Guadeloupe. Il était resté gouverneur de la Guadeloupe de 1936 à 1938, et des milers de guadeloupéens étaient venus lui dire un au revoir à l’aéroport en scandant « vive papa Eboué !».



C’est aussi mon  papa Eboué qui avait trouvé du travail pour mon grand-père Félix Gratien, comme directeur d’usine de coton en Oubangui-Chari ; ce qui lui avait permis d’aider financièrement sa femme Cornélie Gratien Eboué et ses cinq enfants dont mon père Yves.

Félix Eboué était très attaché à sa Guyane et son souhait était de se lancer en politique pour servir son pays, mais le gouvernement de l’époque ne pouvait affecter un guyanais dans son propre pays.



D’ailleurs, j’ai voulu en savoir davantage sur ce grand homme qui avait tant fait pour ma famille et sa patrie. J’ai donc rencontré une dame âgée de 94 ans qui avait connu Félix Eboué et dont le père, député socialiste,  lui avait confié lors d’une conversation à l’assemblée constituante de 1945 que le Général de Gaulle avait dit : « Je n’oublie pas que sans le gouverneur Eboué, il n’y aurait peut être pas eu de Général de Gaulle. Il m’a apporté des territoires français d’Outre-mer, la France ».
Rappelons que Félix Eboué comme secrétaire général de la Martinique et gouverneur par intérim  (de 1932-1934), lança une politique de logements sociaux et lutta contre la fraude électorale.

Rappelons aussi que Félix Eboué en tant que gouverneur de la Guadeloupe en 1936, joua un très grand rôle pour redresser le pays de la crise sociale. Il put appliquer la politique du front populaire. Il mit en place par exemple des avantages sociaux comme les 40 h par semaine et les congés payés. Il développa aussi les infrastructures sportives.

Fin 1938, Félix Eboué est nommé gouverneur du Tchad par Georges Mandel, le ministre des colonies. Il fut le premier résistant à répondre à l’appel du 18 juin 1940. De Gaulle le nomma gouverneur de l’AEF. En rejetant le régime de Vichy de Pétain, il fut condamné à mort par contumace et destitué de sa nationalité française, et ses enfants encore en métropole firent figure d’otages. Félix Eboué put faire appel aux guyanais, antillais et africains du Tchad, du Congo et du Cameroun pour construire un territoire de la France libre pour le Général De Gaulle. Le Tchad devint le point stratégique du redressement de l’empire permettant à la France libre de devenir une puissance belligérante.

Félix Eboué en tant que gouverneur de l’AEF, transforme en zone stratégique les pays de l’AEF d’où partent les premières forces armées de la France libre conduites par les généraux de Larminat, Koenug, et Leclerc.

Il figure parmi les cinq premières personnes à recevoir du Général De Gaulle la croix de la libération (décret du 29 janvier 1941).
Il fut un acteur majeur de la conférence de Brazaville (janv-fev 1944), dont le souhait était d’émanciper l’Afrique.
Il décède au Caire le 17 mai 1944 et ses cendres furent  transférées au Panthéon à la demande de Gaston Monerville. Félix Eboué, ce grand homme républicain guyanais rentra au panthéon le 20 mai 1949 en même temps que Victor Schœlcher. Les deux hommes de la libération de l’humanité sont réunis à tout jamais.

Actuellement, les associations qui œuvrent pour la mémoire de Félix Eboué sont le cercle de Félix Eboué (crée en 2008) en Guyane, dirigé par Yvan Chérica, qui grâce à lui a permis de proposer le nom de Félix Eboué en 2010 pour rebaptiser l’aéroport de Cayenne « Rochambeau » pour l’aéroport de Cayenne « Félix Eboué ». Après un combat de deux ans par l’association du cercle Félix Eboué de Guyane, et par mon implication en écrivant au Président de la République Nicolas Sarkozy ainsi qu’au ministère de l’Outre-mer et du Conseil Régional, l’aéroport devint « Aéroport Cayenne Félix Eboué »  et fut inauguré le 21 janvier par la présence du Président de la République. Chaque année, il y a une commémoration le 17 mai sur la place des palmistes à Cayenne pour célébrer l’anniversaire de la mort de Félix Eboué.
En Guadeloupe, l’anniversaire de sa mort le 17 mai est commémoré aussi chaque année par le comité Félix Eboué dirigé par Jean-Claude Degras.
A Paris, un dépôt de gerbes est organisé par l’UGAG, dirigé par Henriette Dorion Sébéloué, chaque année fin juin au Panthéon.

Ayons une pensée pour notre grand homme Félix Eboué le 17 mai, et l’année prochaine, j’espère que nous nous réunirons tous en grand nombre pour célébrer le 70ème anniversaire de sa mort. Il est décédé le 17 mai 1944, trois mois avant d’avoir pu assister à la libération de la France. Et le 17 mai 2014  fera 70 ans qu’il nous aura quitté.

Vive Papa Eboué, vive la Guyane, vive la République, vive la France !

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